La décarbonation des achats dans l’entreprise est devenue incontournable pour respecter l’Accord de Paris et l’objectif de maintenir le réchauffement climatique à 2° et d’atteindre zéro émission nette à l’horizon 2050. Intégré dans le scope 3 du bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES), le calcul de ces émissions était jusqu’à présent facultatif, ce qui incitait les entreprises à se concentrer uniquement sur leurs activités principales, sans tenir compte de toutes les parties prenantes.
Une législation qui va dans le bon sens
Depuis le décret 2022-982 du 1er Juillet 2022, le scope 3 est devenu obligatoire dans la publication du BEGES. Cette mesure était attendue depuis longtemps car, pour la majorité des entreprises, notamment celles du secteur des services, le scope 3 représente jusqu’à 90% des émissions totales. Les achats sont en première ligne, entraînant de facto l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise. Les filiales, partenaires, fournisseurs et prestataires auront désormais un rôle majeur à jouer dans la stratégie de décarbonation des entreprises. Pour rappel, l’obligation de publication d’un BEGES ainsi que la mise en place d’une stratégie bas-carbone est obligatoire pour :
- Les entreprises de plus de 500 personnes
- Les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants
- Les entités publiques de plus de 250 personnes
- L’amende (non-libératoire) encourue en cas de non-publication est de 10 000€, voire 20 000€ en cas de récidive.
Au niveau national, citons également le Plan national pour des achats durables (PNAPD), mis à jour en 2022, qui détaille les engagements de la France pour ses achats publics. La dernière version met l’accent sur la réduction de l’empreinte environnementale, la promotion de l’économie circulaire, l’inclusion de critères sociaux et environnementaux dans les appels d’offres, ainsi que la sensibilisation et la formation des acteurs impliqués dans les achats publics. L’objectif numéro 1 affiché est qu’à l’horizon 2025, l’intégralité des contrats de la commande publique comprennent au moins une considération environnementale, et le « poids carbone » d’un article ou d’un service semble l’une des pistes principales.
Au niveau européen, la Directive européenne sur la publication d’informations extra-financières (Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD en anglais), votée en novembre 2022 et applicable depuis le 1er janvier 2024, a permis d’harmoniser les règles de reporting au sein de l’Union des 27 et ainsi d’éviter toute distorsion de concurrence entre les entreprises européennes. Elle implique notamment la publication de données ESG pour toutes les entreprises de plus de 500 salariés. Bien que le mécanisme de vérification de ces données soit laissé à la discrétion de chaque État membre de l’UE, il s’agit d’un grand pas vers un benchmark environnemental et social entre les entreprises.
Enfin, l’UE réfléchit à un moyen d’atténuer la distorsion de concurrence avec les produits importés en dehors de la zone UE, donc non soumis à toutes les réglementations imposées aux États européens. Le mécanisme d’ajustement au carbone aux frontières ou Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) vise dans un premier temps les secteurs particulièrement sensibles à la délocalisation et très énergivores tels que l’acier, le fer, le ciment ou l’aluminium.
Le changement climatique, une réalité
Indépendamment de toute considération éthique ou réglementaire, le changement climatique est devenu une réalité, avec des événements catastrophiques qui se multiplient et des secteurs entiers menacés. Le tourisme de montagne, pour prendre un exemple particulièrement symptomatique en France, est menacé de disparaître à des altitudes inférieures à 2000m, et la viticulture souffre de calamités météorologiques particulièrement sévères ces dernières années.
Le coût des sinistres climatiques en France ne cesse d’augmenter depuis les années 80, passant de 1,5Mds€ par an sur la période 1984-1989 à 3,6Mds€ sur la période 2011-2021 selon France Assureurs. Les assureurs sont en première ligne face à ce qui relevait de l’exceptionnel et c’est tout un modèle qui se fragilise. Il ne serait pas surprenant de voir les assurances conditionnés leurs tarifs en fonction de critères environnementaux.
Les entreprises doivent repenser leurs modes de production en évaluant les risques sur toute la chaîne de valeur. Pour réduire leur vulnérabilité, les entreprises doivent s’appuyer à la fois sur les connaissances scientifiques globales (par exemple, les rapports du GIEC) et tenir compte des contextes locaux, chaque territoire étant soumis à ses propres aléas naturels. L’adaptation à la nouvelle réalité du changement climatique est cruciale, mais son efficacité diminuera sans une réduction des émissions de GES.
La contrainte énergétique
Ceci d’autant plus que le réchauffement climatique n’est pas le seul défi environnemental auquel sont confrontées les entreprises. Les énergies fossiles, et plus généralement une grande partie des ressources naturelles dont dépendent les entreprises, ne sont pas renouvelables à l’échelle humaine et s’épuisent donc à mesure que nous les exploitons. Bien que les réserves d’énergies fossiles soient encore très abondantes, leur coût d’extraction ne cesse d’augmenter et leur répartition inégale crée des tensions géopolitiques majeures. L’UE est particulièrement vulnérable car ses réserves d’énergies fossiles sont très limitées, voire inexistantes.
Comme nous l’avons vu pendant la période de la COVID-19 ou à la suite de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, le prix des hydrocarbures peut fluctuer de manière brutale, mettant en danger les entreprises. Même si votre entreprise n’est pas nécessairement impactée, il est important d’identifier les risques sur toute la chaîne de valeur de l’entreprise. La faillite d’un ou plusieurs fournisseurs peut entraîner des ruptures d’approvisionnement fatales.
Intégrer toutes les parties prenantes
En définitive, le choix de la décarbonation des achats permet à l’entreprise d’intégrer toute sa chaîne de valeur amont dans ses décisions stratégiques et d’identifier les risques pesant sur toutes les parties prenantes. Il est tout simplement judicieux, sur le plan commercial, de veiller à ce que ses fournisseurs survivent également à la transition que l’on cherche à favoriser.
Dans cet article, nous nous sommes attachés à démontrer les risques qu’entraînerait une non-décarbonation des achats de l’entreprise. Mais cette démarche entraîne également des opportunités de se démarquer, que nous traiterons dans un prochain texte.
Si vous voulez en savoir plus sur notre calcul du bilan carbone via les achats, c’est par ici.